La peur, petit chasseur de Laurent Achard

Loup y es-tu...

Un long plan fixe de neuf minutes pour parler de la violence conjugale. L'enfant recroquevillé près de la niche de son chien semble minuscule à côté de l'horrible bâtisse qui renferme quelques douloureux secrets. L'attente n'en finit pas et l'enfant a épuisé toutes ses ressources pour oublier ce qui se passe derrière les murs. Sa mère ne répond pas à ses appels et seul un bourdonnement de plus en plus aigu trouble cette pâle journée d'hiver. La jeune femme finit par sortir étendre du linge et l'enfant la regarde faire en silence. Un bruit se fait entendre, c'est le père qui appelle mais se pourrait tout aussi bien être la voix de l'ogre tapis dans son antre. Ainsi l'enfant perçoit-il les choses car déjà le bourdonnement aigu a repri alors que la simple arrivée de la mère avait suffi à faire revenir les bruits familiers de la nature et chassé la peur de l'enfant. La jeune femme quitte le jardin pour se ruer dans la gueule du loup. Voix, cris, bruits de lutte et de vaisselle cassée. Le bourdonnement s'amplifie jusqu'à se fondre avec le passage d'un train non loin de la maison. Imprégné de tant de violence l'enfant ne peut que garder les yeux fixés sur la terrible façade. La jeune femme en ressortira pourtant et finira d'étendre le linge comme si rien n'était arrivé. L'enfant, lui, ira se recroqueviller près de la niche, la tête dans ses bras croisés sur ses genoux. Si le bourdonnement a cessé, la peur, repoussée pour quelques instants par la présence de la mère, n'est que remise à plus tard.