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Critiques et autres broutilles
24 mars 2008

Congo River de Thierry Michel

Congo, lève toi !

Road movie au-delà des ténèbres. Avec ce sixième film sur le Congo, Thierry Michel chosit de quitter l'univers urbain des grands centres politiques et économiques de Kinshasa, Kisangani et Lubumbashi. Congo River nous plonge dans le coeur sauvage du pays, dans une Afrique intemporelle. Après maintes tragédies telles que la traite négrière, la domination coloniale, les dictatures et les guerres, le Congo se recompose. Ruiné, le pays redevient la "terra incognita" des explorateurs d'autrefois, terre qu'il faut redécouvrir, réinventer et recommencer à aimer. Ni film journalistique, ni film didactique, Congo River est plus qu'un poème cinématographique, c'est un itinéraire symbolique.

Le film s'ouvre sur les images de Stanley et Livingstone, deux explorateurs qui ouvriront la voie à la colonisation du Congo. L'histoire de ce pays commence donc par une quête et Thierry Michel se propose de la prolonger, de l'embouchure aux sources du fleuve. Son recours aux nombreuses images d'archives de Belgique, tournées pendant la période coloniale, est comme une mise en abîme de l'histoire du pays. "Mémoire du fleuve". Alternant images d'archives et images actuelles, Thierry Michel permet un questionnement de l'histoire coloniale par rapport au présent.

Seul moyen de communication, le fleuve est la colonne vertébrale du pays. Frontière naturelle, il est surtout facteur d'unité géographique et historique. Sa légende nous est contée par un vieillard congolais. Un serpent sorti de sous terre s'est traîné sur la terre en formant de gigantesque lacets jusqu'à la mer, où il s'est jeté. Le fleuve Congo était né. A bord d'un "village flottant" où plus de 300 personnes ont embarqué, nous descendons avec eux ce serpent tantôt gris, tantôt rouge, tantôt docile, tantôt perfide. Véritable "Arche de Noé" à la merci du fleuve.

Nous croisons à Yangambi un professeur, dernier gardien d'une université agronomique fantôme. Dans des armoires et des tiroirs dorment la faune et la flore du Congo, abandonnées à la poussière. A Gbadolite et Mbandaka les somptueux palais de Mobutu sont en ruine, orgueilleux éléphants blancs devenus monstres, nous livre un autochtone. Ailleurs on tente, sur les traces des colons, de reconstruire la voie ferrée, à l'abandon depuis quinze ans, afin que puissent circuler de nouveau les "bateaux de feu". Kindu, colonel des milices mai-mai, nous livre le secret du rituel de l'invincibilité et explique qu'une fois ensorcelé le guerrier peut effectivement en arriver à violer une femme, ne sachant plus ce qu'il fait. Dans les mines de Tshinkolobwe enfin, les enfants sont payés 40 centimes d'euro.

Dernière escale : la cathédrale de Kisangani. Le religieux habite le film, il le rythme. Il n'est pas seulement recueillement, il est aussi festivités, chants et énergie, même si celle-ci se transforme parfois en larmes et en transes. La musique de Lokua Kanza, en mélangeant rythmes et voix traditionnelles,  prolonge la dramaturgie du film. Elle est à la fois l'écho d'une mythologie des origines, des tragédies contemporaines et d'un message pour l'avenir. Dans la pénombre de la cathédrale on célèbre Pâques, et au rythme des voix, la renaissance du Congo.

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