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Critiques et autres broutilles
25 mars 2008

Robin Renucci à propos de Sempre Vivu

Entretien avec Robin Renucci pour son premier long métrage, Sempre Vivu.

Un petit village de montagne corse se déchire à la suite d'un quiproquo : le maire, un vieux bonhomme bon vivant, est donné pour mort à la veille de l'inauguration d'un théâtre. Un film opéra corsé...

Vous êtes à l'initiative de rencontres théâtrales annuelles dans des petits villages de Corse. Quelle place accordez-vous à une telle entreprise ?

Je suis très attentif au fait que les gens se retrouvent. Il faut des lieux pour se rencontrer. Parce qu'on s'accomplit soi-même en se rencontrant, en se confrontant et en échangeant avec les autres, en découvrant des mondes inconnus. Dans mon film je raconte un rêve fou : celui d'un petit village de montagne corse qui veut survivre à travers un personnage qui, lui, refuse de mourir tant qu'il n'a pas légué aux plus jeunes un théâtre. C'est une fable philosophique, sous la forme d'une farce complètement déjantée et folle, où la musique a aussi une place très importante.

Le générique de fin est d'ailleurs une reprise rock de "La Tonkinoise"...

Oui, c'est un groupe rock qui est tout nouveau en Corse, les I Canteli. C'est une façon de dire que tout est en évolution, qu'un monde que l'on peut penser un petit peu figé ou clos dans sa tradition comme l'est la Corse doit se représenter s'il ne veut pas être sujet aux clichés qu'on peut lui appliquer. Je pense que le fait de ne pas se représenter est un manque de capacité à affirmer son existence. Et le cinéma est très important pour cela, ça permet de raconter qui on est.

Et la place du mort dans l'histoire ?

Eh bien la vie, tout simplement ! Pour parler de la mort on parle de la vie. Le personnage du vieux maire dans mon film est attaché à bander, les vieux ont envie d'exister ! D'ailleurs moi j'aime bien dire "les vieux". On dit "les jeunes", pourquoi ne dirait-on pas "les vieux"? On dit toujours "les anciens", "les personnes âgées"... âgées de quoi ? Moi j'aime cette idée que l'on vit avec des vieux et des jeunes et que tous ces gens là sont mélangés.

Votre film fait un peu la synthèse entre cinéma et théâtre...

Ce sont des mondes souvent cloisonnés. Je crois que le théâtre est un lieu de liberté qu'il nous reste parce qu'il n'est pas en prise avec le monde du commerce et de la publicité. Le cinéma malheureusement joue le jeu du grand commerce, de la grande industrie, de l'uniformisation. Progressivement les histoires se ressemblent.

Alors vos envies dans tout ça ?

Je crois que plus on ouvre l'imaginaire du public, plus on le fait délirer, déborder, et plus il aura envie de rêve et de liberté. Aujourd'hui on le formate, comme c'est le cas des séries télévisées où l'on retrouve d'une semaine à l'autre des mondes qu'on connaît. On nous contient, on nous restreint, on nous rend captif d'un monde connu. J'ai eu envie de pousser le public vers l'inconnu. Il faut transformer le langage, transformer l'imaginaire et le monde symbolique. Il faut prendre la parole, la donner aux autres et lutter contre ce formatage qui nous envahit. C'est pour ça que les acteurs de mon film n'ont pour la plupart jamais joué la comédie. Souvent on recommençait 25 fois la prise mais c'était ça le plaisir : leur donner la parole.

Propos recueillis à Paris, le 4 mai 2007.

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