J'attends quelqu'un de Jérôme Bonnell
Etats de grâce
Gros plan sur le bord d'une départementale. Nous voici projetés in extremis du fauteuil au bitume, de l'obscurité à un aveuglant soleil. Sur le bas-côté, un jeune auto-stoppeur. Le film dans son intégralité est placé sous ce signe de l'attente, avec tout ce qu'elle suppose : envie et frustration, allégresse et angoisse. Envie pour Marc Citti qui dévore bananes sur bananes ; frustration pour Daroussin, père divorcé qui s'enlise derrière le comptoir de son café miteux. Allégrese pour Emmanuelle Devos, institutrice mariée qui se perd un moment dans les bras d'un plus jeune ; angoisse pour Caravaca, hypocondriaque drôlissime. C'est tout ce petit monde qui se croise et se détourne, se lie et se délie, s'ignore puis se retrouve après une longue absence ou une simple pause. Avec tact et retenue Jérôme Bonnell filme des corps tantôt tranquilles, tantôt fragiles et nous parle avec amertume et beaucoup d'économie de vies et de destins avortés ou en devenir. Si sous sa direction Citti et Caravaca laissent présager un cinéma non dénué de talent, Emmanuelle Devos atteint sous son oeil les sommets de la grâce.