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Critiques et autres broutilles
28 mars 2008

Portraits de femmes

Soit un film et une série anglophones. Le film (Little Children), sorti en mars 2007 sur les écrans, pointe du doigt et met à nu la décrépitude et les vicissitudes d'une banlieue bourgeoise de la côte Est. La série (Desperate Housewives), dont la renommée n'est plus à faire, n'épargne aucune femme de la paisible banlieue de Wisteria Lane dont le vernis cache pourtant d'inavouables secrets. Point commun de ces deux objets filmiques : la quiétude trompeuse des créatures qui les habitent.

Femmes au bord de la crise de nerf

Ce n'est pas un hasard si Aymeric Mesa-Juan reprend la figure emblématique de Médée pour son film Les Liens (2007) : une mère, de nos jours, tue son enfant face à l'infifférence croissante de son mari. En regard d'autres portraits de femmes qui suivront bien plus tard dans la culture occidentale, Médée apparait comme la femme moderne par excellence : ses actes, aussi cruels soient-ils, sont la revendication poussée à l'extrème de ses droits en tant que femme - affection, reconnaissance, identité et avenir, soit tout ce que lui enlève son mari en la trompant. On l'aura compris, Médée est la première femme de l'Humanité au bord de la crise de nerf. Tout aussi sombres seront par la suite les héroïnes de cet héritage mythologique : Simone Signoret dans Les Diaboliques, Maria Casarès dans Les Dames du Bois de Boulogne et Emmanuelle Riva dans Thérèse Desqueyroux, la belle et inaccessible Camille du Mépris venant compléter la descendance. Nous touchons en définitive ici les portraits les plus modernes de la femme, à la recherche d'émancipation et de plénitude de son être.

Quelque chose de Madame Bovary

Au programme de Desperate Housewives : psychanalyse, chirurgie esthétique, thérapie sur mesure, yoga, adultère... autant de façons pour les femmes d'aujourd'hui de combattre l'ennui et l'insatisfaction qui les rongent jour après jour. Desperate... livre des portraits contrastés de femmes modernes, telles qu'elles ont rarement été dépeintes dans le cinéma contemporain. Chacune d'entre elles enfouit en réalité secrets et mensonges derrière les murs de sa maison, murs qui ne tardent pas à se fissurer et s'effondrer. Mais la vraie dimension sociale et romanesque qui habite toutes ces femmes c'est le bovarysme. Le premier épisode de Desperate... ne commence t-il pas par le suicide de l'une d'entre elles ? Lynette n'est-elle pas tentée elle aussi, lors d'une impressionante crise de nerf, par le pistolet que lui tend gnéreusement le fantôme de la disparue ? Tout aussi fragile et déséquilibrée apparaît Kate Winslet dans Little Children, mère sans aucune autorité, ni sur son mari, ni sur sa fille et faible aux yeux des autres matrones du jardin publique où elle se rend chaque après-midi. Or que font ces mêmes femmes un soir par semaine ? Elles se réunissent au sein d'un club de lecture dont le livre du mois s'avère être... Madame Bovary. Oeuvre que l'on retrouve dans le club de lecture des épouses de Desperate... et qui semble donner le ton à toute la série.

Femmes rayonnantes et séduisantes en apparence, épouses épanouies et fidèles dans leurs dires, ces jolies créatures féminines refoulent en réalité rage, rancoeur, frustration et haine. Tout comme Emma Bovary, leur aînée, elles feignent, se soumettent et ne voient l'accomplissement de leur être que dans le meutre, le suicide ou le mépris.

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