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Critiques et autres broutilles
24 mars 2008

Chromophobia de Martha Fiennes

La phobie de vivre

Alors que le Festival de Cannes commence, voici venu le temps de découvrir LE film du Festival de 2005. Si Chromophobia ne nécessita pas un gros bugdet, la distribution est néanmoins soignée et de première classe : Kristin Scott Thomas et Ralph Fiennes (Le Patient Anglais), Penélope Cruz (qu'on attend avec impatience dans Volver) ou encore Ben Chaplin (Le Nouveau Monde). Tous ces comédiens talentueux évoluent sous l'oeil de Martha Fiennes dans un film percutant et bouleversant. Voici en réalité un projet rare et ambitieux au scénario complexe qui est, de toute évidence, inspiré par la nouvelle vague des films indépendants américains. D'abord boudé par les producteurs anglais, le film dut attendre le regard hollywoodien de Ron Rotholz pour exister. 

Chromophobia n'est pas tant le récit de la désintégration d'une famille bourgeoise londonienne qu'une comédie dramatique à portée universelle. C'est un film qui pourrait aussi bien se dérouler de nos jours à Los Angeles, à New York, à Paris ou à Tokyo. Regard sur une société riche et influente mais aussi méditation incisive sur la vie moderne dans les grandes cités. Au programme, psychanalyse, chirurgie esthétique, thérapies sur mesure, yoga, adultère : autant de façons pour les hommes et les femmes d'aujourd'hui de combattre l'ennui et l'insatisfaction qui les rongent jour après jour. Ni loyauté, ni honnêteté, ni morale sont les maîtres mots. Martha Fiennes livre les portraits d'une famille anglaise moderne et contrastée telle qu'elle a rarement été dépeinte dans le cinéma contemporain. Son film traite de l'ironie, du drame et des dilemmes de cette vie moderne où l'on croit qu'il nous est possible de tout avoir.

C'est ainsi qu'Orlando, du haut de ses huit ans, tague le nom de son lapin sur les murs pour se faire remarquer ; Edward Aylesbury a un enfant illégitime avec son ex-maîtresse Gloria ; l'amitié est sacrifiée au nom du succès et de la célébrité lorsque Trent est obligé d'oublier ses idéaux de journaliste justicier et de pondre des papiers accrocheurs ; Penelope est la seule à avoir une relation vraiment affecteuse... avec ses chiens. Chacune de ces familles enfouit en réalité secrets et mensonges derrière les murs de sa maison, murs qui ne tardent pas à se fissurer et s'effondrer. Dans cette comédie noire finissent pas transparaîtrent de fausses valeurs : argent, beauté et succès.

Londres est ici vue comme une capitale du monde où les couches sociales cohabitent et se bousculent les unes contre les autres. Il n'y a ni bons ni mauvais, chacun possède sa propre légitimité. Véritable plan de coupe depuis les couches sociales aisées jusqu'aux bas-fonds du prolétariat, Chromophobia est le récit de la condition humaine. Aucun jugement n'est jamais porté sur quiconque. Ni stigmatisation ni condamnation de quoi que ce soit. Tous les personnages sont faillibles, ce qui permet au spectateur de rentrer dans l'histoire comme s'il s'agissait de la sienne. Chacun aura donc son histoire préférée et son personnage de prédilection. Chromophobia est un drame à caractère introspectif. C'est le récit d'un malaise, d'une phobie, que les personnages partagent : la phobie de vivre.

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