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Critiques et autres broutilles
24 mars 2008

Pourquoi y a t-il des lois ?

En partant du présupposé selon lequel il y aurait des lois, la question de leur valeur se pose immédiatement. A quoi servent les lois ? Sont-elles vraiment nécessaires ? Et tout d'abord qu'est-ce qu'une loi ? Si l'on envisage le nomos grec, la loi est une règle fixée par et pour des individus et qui fait autorité sur les champs d'action soit en les limitant soit en les augmentant. La véritable question est donc : peut-on se passer de lois ?

La loi suppose deux sujets : celui qui la fixe et celui qui est tenu de la respecter. La loi s'adresse toujours à quelqu'un, c'est la condition première de son existence. La loi n'existe pas sans un individu pour la respecter. La seconde condition garantissant sa valeur est donc d'être respectée. La loi ne vaut rien si elle n'est pas appliquée ou même bafouée. Qui fixe la loi ? Toute personne faisant autorité sur un individu ou un groupe d'individus. Fixer une loi pour des individus suppose les rendre responsables. C'est les contraindre à une règle. Ce qui peut alors être vécue comme une dépendance est en réalité de l'indépendance. La responsabilité est une forme d'indépendance de nos facultés d'agir et de juger. L'individu concerné est-il seulement obligé de suivre la loi qu'on lui a fixé ? Non, car si une loi permet de rendre responsable un individu, la responsabilité de cet individu n'en est pas moins la garantie du respect de la loi. C'est le sens que nous avons des responsabilités qui nous pousse a respecter ou à bafouer la loi. Face à la loi nous sommes toujours libres de nos actes, contraints moralement mais libres physiquement. Si contrainte il y a c'est effectivement d'un point de vue moral. Aussi l'application de la loi est-elle toujours problématique au sens où elle suppose la conscience morale de chaque individu. Respecter la loi c'est donc être moral, c'est à dire avoir conscience de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas, pour moi mais aussi pour les autres. Kant proposait à ce sujet d'avoir toujours recours à l'impératif catégorique suivant pour répondre à la question mon action est-elle morale ? : "Agis toujours de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en loi universelle". La valeur et les conséquences de nos actions doivent être en accord avec la morale, c'est à dire la science de ce qui est juste. A travers cet impératif Kant vise en réalité la vertu : la loi répond donc à un désir de morale et de vertu. La loi est aussi une borne dans notre champ d'action, c'est un constant rappel à l'ordre. Elle est une limite au sens où elle empêche la démesure qui conduit l'individu, comme c'est le cas de l'hybris chez les Grecs, au malheur de la Cité. L'hybris est alors vu ici comme un excès de liberté. C'est donc en bornant le champ de nos actions que la loi parvient à augmenter ce champ d'action. Que supposerait vivre sans loi ?

Qu'est-ce que vivre sans loi ? C'est nier toute règle qui serait vécue comme contrainte et entrave à notre bonheur - si l'on suppose que le but recherché par tout individu est le bonheur. Or la loi étant fixée par une autorité autre que nous même c'est du même coup nier cette autorité. La vrai cible dans le rejet de la loi est donc la figure de ce qui fait autorité, non plus la loi. Supposons alors que l'on abolit tout autorité. Il n'y a alors plus aucune borne dans notre champ d'action. N'y a t-il pas dès lors risque de désordre ? Car la loi si elle est contrainte est ordonnancement, régulation, organisation. Abolir la loi n'est-ce pas rétablir les lois de la Nature ? A savoir la loi du plus fort. Si l'on en croit la nécessité première du Pacte Social de Rousseau il y a une véritable urgence à quitter l'état nature, car c'est un état de guerre et d'injustice. Vivre sans loi enfin c'est ne vouloir personne au-dessus de soi, c'est ne suivre que son propre bon vouloir, non celui des autres. Ce qui revient à se détourner, à se passer d'autrui. Car la loi est faite pour moi mais aussi pour autrui : ce qui est un droit pour moi est un devoir pour autrui et mes devoirs sont ses droits. Ma liberté s'arrête là où commence celle des autres. Vivre sans loi semble donc au détriment d'autrui. Qu'en sera t-il lorsque autrui décidera de même et viendra empiéter sur mon champ de liberté ? Puis-je - selon l'impératif de Kant - vouloir que chacun vive sans loi ? C'est à dire au détriment de tous et par conséquent de moi ? Pourquoi alors vivre sans loi si c'est agrandir mon champ de liberté au détriment d'autrui avec le risque de le voir se rétrécir si autrui s'avère plus fort que moi ? La loi de la jungle. La loi est un juste équilibre, une harmonisation qui permet l'égalité et la justice. Réduire mon champ d'action permet d'agrandir celui de l'autre et lorsque le champ de celui-ci est réduit, le mien s'en trouve à son tour agrandit. La loi tend donc à satisfaire plus qu'elle ne tend à contraindre. On ne saurait vivre sans loi car la visée première d'une loi, avant même de régler, de limiter ou même d'augmenter la faculté d'agir d'un individu est de rassembler des citoyens.

Si une loi s'adresse à un individu et que celui-ci la respecte il se définit dès lors comme citoyen. Si plusieurs lois réunissent plusieurs citoyens il se forme une cité. Cette cité, parce qu'elle ne réunit plus des individus mais des citoyens devient un corps politique. La loi fait passer l'individu de l'état nature à l'état social. La loi le rend responsable de lui-même et soucieux d'autrui. Or notre condition de citoyen est la condition de notre liberté : c'est en étant responsable que l'on est libre. La plus grande liberté pour l'Homme, affirmait Sartre, est l'autonomie. Se fixer sa propre loi. La liberté est totale lorsqu'elle provient de notre propre autorité et non d'une autorité extérieure à nous. Se fixer a propre loi est la plus grande preuve de notre responsabilité et de notre sens moral. C'est parvenir à cadrer sa vie telle qu'on la conçoit tout en respectant celle des autres. C'est faire autorité sur ses propres actions, c'est savoir se limiter tout en sachant s'autoriser. De plus vivre "hors" la loi reviendrait à vivre hors de la cité. Ce qui signifierait être apolitique. N'est-ce pourtant pas la nature de l'Homme que d'être un animal politique ? N'est-ce pas ce qui le fait rompre définitivement avec l'état nature ? Renier la loi serait alors renier la dimension politique de l'Homme en tant qu'il est un animal qui tend au perfectionnement de son être.

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Commentaires
K
"Ma liberté s'arrête là où commence celle des autres. " Débilité absolue puisque la liberté de l'autre est continuelle donc aucune liberté! Elle ne peut s'arrêter puisqu'elle n'a jamais commencé!
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